Clamez haut et fort votre identité familiale !

Les entreprises familiales ont le vent en poupe depuis quelques années. Les valeurs qu’elles véhiculent séduisent les consommateurs. Alors n’hésitez pas à brandir votre identité et vos racines comme un étendard…

Et dire que certains dirigeants pensent que pour vous vivre heureux, ils doivent rester caché ! La discrétion a longtemps été considérée comme une vertu dans les entreprises patrimoniales. Ne pas faire parler d’elles, refuser les interviews à la presse, dévoiler le moins de chiffres possibles au grand public…  De nombreuses familles préfèrent aujourd’hui encore l’ombre à la lumière. Cette « timidité » s’explique.

Certains dirigeants décident ne pas se mettre en avant pour ne pas créer de tensions avec leurs proches qui pourraient les accuser de vouloir tirer la couverture à eux. Le silence peut également être un avantage compétitif par rapport à une entreprise cotée qui, elle, doit tout dire. François Pinault et son fils François-Henri ont ainsi pu transformer leur groupe en vendant la Fnac, la Redoute et leurs activités dans le bois en toute confidentialité. Cacher sa réussite permet enfin de ne pas attirer la curiosité du… fisc. De plus en plus d’entreprises familiales ont toutefois compris que leur identité était un atout précieux qu’elles devaient mettre en avant. « Les mentalités ont radicalement évolué durant les années 90, constate Johan Lambrecht, un professeur de l’université belge KU Leuven. De nombreuses compagnies axent aujourd’hui leur communication autour leurs racines. Elles n’ont plus peur de parler de leur passé. » Et pour cause…

Les sociétés patrimoniales véhiculent des valeurs fortes de pérennité et de vision sur le long terme. « Nous communiquons beaucoup sur le fait que nous sommes une entreprise patrimoniale car nos clients y sont très sensibles, reconnaît Hilde Vandeputte, la directrice générale de Rotolux, un fabricant d’emballage cadeau de trente employés. Les gens savent que les membres d’une famille représentent l’âme d’une compagnie et qu’ils mettent tout leur cœur dans les produits qu’ils commercialisent et les services qu’ils proposent. »

Les consommateurs sont à la recherche de repères et lorsqu’une société montre qu’elle a un passé ancien, elle leur offre la garantie de savoir ce qu’ils achètent. Cet argument a de plus en plus de valeur auprès du public. De nombreuses études ont également prouvé la solidité de ces entreprises dans les coups durs. Les 4 400 sociétés de taille intermédiaire (ETI) en France, qui sont pour plus de 80% d’entre elles familiales, ont ainsi créé près de 90.000 emplois nets de 2009 à 2014, d’après les calculs du METI. 30% des postes pourvus en France durant ces cinq années ont été lancés par des ETI. Ces performances ne sont pas passées inaperçues auprès du grand public. Le baromètre du cabinet Edelman montre ainsi que les européens font aujourd’hui plus confiance aux compagnies familiales (76%) qu’aux multinationales (47%). Pour mettre en avant ses racines, plusieurs méthodes existent.

La manière la plus simple est d’inscrire en toutes lettres le mot « famille » dans ses brochures, sur son site internet et sur ses réseaux sociaux. Venir avec certains de ses proches lors de salons professionnels est un autre moyen de clamer haut et fort son identité et de créer un contact humain avec ses clients et ses prospects. Organiser des événements comme des journées porte-ouverte permet aussi d’affirmer son caractère familial.

Les dirigeants ne devraient pas non plus penser que le sponsoring est réservé aux multinationales. Si apposer sa marque sur des compétitions comme la Ligue 1 ou le championnat du monde de Formule 1 coûte une véritable petite fortune, d’autres sports sont bien moins onéreux. C’est le cas notamment de la voile. « En participant au Vendée Globe (la course autour du monde en solitaire) en 2012, j’ai senti que le regard que les clients portaient sur notre entreprise changeait, se rappelle Didier Elin, le patron de Team Plastique, une PME familiale de 85 salariés, qui a financé le monocoque de l’italien Alessandro Di Benedetto. Et durant les trois semaines où les pontons étaient ouverts au public, un million de personnes sont passés par notre stand. Les retombées médias ont également été exceptionnelles. Nous n’aurions jamais les moyens de nous offrir une campagne de pub qui nous donnerait autant de visibilité. »

Ouvrir un musée à aussi du sens car les sociétés familiales ont comme caractéristiques essentielles leur pérennité, leur histoire et la préservation de leur patrimoine. Si notre pays abrite plus de 7500 sociétés ouvertes au public, à peine 20% d’entre elles disposent d’une réelle structure d’accueil et une centaine de sites peuvent réellement être qualifiés de véritables musées. C’est bien peu comparé à d’autres marchés. « Au Japon, toutes les sociétés ouvrent leur musée dès leur création afin de présenter leurs produits et leur savoir-faire à leurs clients et au grand public, a constaté Pascal Blanchard, le directeur de l’agence de « communication historique » (sic), Les Bâtisseurs de mémoire, qui a travaillé pour plusieurs musées d’entreprises comme celui de Cointreau, de la Vache qui rit et de Metaxa. Les Japonais sont fiers de montrer leur société alors qu’en France, la plupart des dirigeants préfèrent se cacher. Dans notre pays, un musée d’entreprise est souvent un truc à la papa plutôt vieillot alors qu’il faut au contraire créer un véritable show ludique qui se renouvelle sans cesse. » Fragonard l’a compris mieux que quiconque.

Le parfumeur a ouvert dans une salle au-dessus de son usine à Grasse son premier musée en 1978. Jean-François Costa attendra 1983 pour inaugurer un autre musée à deux pas de l’Opéra de Paris. Ses deux filles Agnès et Françoise, qui dirigent aujourd’hui cette compagnie de cinquante salariés fondée en 1926, ont poursuivi sa stratégie. Fragonard possèdent actuellement six musées entièrement gratuits et deux ouvertures sont prévues avant la fin de l’année prochaine. « Un musée représente avant tout la transmission d’un savoir-faire, résume Agnès Costa, la présidente du parfumeur. Les gens sont très intéressés par le fait que nous soyons une entreprise familiale. Ils sont sensibles aux valeurs que nous incarnons et au fait que nous pérennisons un héritage qui remonte à quatre générations. » Pourquoi alors se terrer au fond des bois ? Pour vivre heureux, vivons à l’air libre…

Frédéric Thérin en collaboration avec Christophe Saubiez et Romain Chevillard